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Jayez_Coup de jeune sous les tropiques_c

La vie est belle en Guadeloupe : des lagons aux eaux turquoise, la douceur de l’air, une végétation luxuriante, des oiseaux familiers, l’esprit joyeux des Guadeloupéens, tout concourt à faire d’un séjour en Gwada un rêve paradisiaque. Et ils ne se trompent pas, tous ces retraités qui ont la chance de pouvoir fuir l’hiver glacial de la Métropole pour se réfugier au chaud soleil des tropiques. Sur la Grande-Plage de Sainte-Anne, cette année encore, ils sont tous là. Tous se connaissent et forment un grand club de « tamalous », où les soucis personnels n’ont pas cours, les barrières sociales disparaissent et la bonne humeur est la règle.

Pourtant, ce jour-là, l’une des pensionnaires, parmi les plus anciennes et les plus sages da la tribu, manifeste un comportement inhabituel fait d’agitation, d’allées et venues inattendues, de messes basses avec sa meilleure amie confidente. Quelque chose se passe dont personne ne sait rien, mais qui plonge tous les autres dans un océan d’interrogations et d’interprétations. De quoi peut-il donc bien s’agir ?

Deux des tamalous, Marie et Jacques, vont se trouver impliqués dans ce mystère qu’ils auront à cœur d’aider à résoudre.

Extraits

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Lorsque le soleil disparut, une grenouille, puis deux, puis trois, entraînant bientôt tout un concert de ces petits amphibiens, saluèrent l’arrivée de la nuit. C’est que les journées sont bien longues pour elles pendant la saison sèche, la pluie est trop rare. Aussi, dès qu’une fraîche obscurité règne sur les hautes herbes, le moment est venu pour elles de partir à la recherche de quelque moustique ou autre insecte succulent. La proximité d’une lumière est un terrain de chasse idéal, même s’il faut parfois le disputer aux lézards, et comme l’endroit est souvent élevé, la grenouille s’est dotée de ventouses aux extrémités de ses pattes qui lui permettent d’escalader les parois verticales et d’y effectuer des bonds impressionnants sur ses malheureuses victimes. Elles sont toutes petites ces sauteuses, à peine plus grandes qu’une pièce d’un euro, mais peuvent emplir la nuit de leurs chants aigus et puissants.

Et elles ne sont pas les seules à animer l’obscurité antillaise. Ainsi les coqs, qui nous ont habitués en Europe à faire silence quand il fait noir pour mieux claironner au premier rayon du soleil, y sont continuellement en voix. Qui n’a pas essayé de dormir à proximité de l’un de ces rois de basse-cour s’égosillant à toute heure, n’a pas goûté à tous les charmes des îles. Les bœufs ne sont pas en reste avec leurs longs et sourds meuglements qui remontent de lointaines et profondes vallées. Si l’on y ajoute les innombrables bruissements de feuilles qui peuplent notre imagination de créatures toutes plus inquiétantes les unes que les autres, il n’est décidément pas facile de fermer l’œil sous les tropiques.

(page 23)

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L’ascension du Morne à l’Âne

La plupart des tamalous logeaient dans le bourg même de Sainte-Anne, de façon à pouvoir, pour des raisons d’économie, se passer de véhicule pour faire leurs courses, se rendre à la plage ou répondre à des invitations apéritives. Tel n’était pas le cas de Marie et Jacques qui avaient toujours préféré demeurer en pleine campagne et se déplacer en voiture, quitte pour eux à raccourcir la durée de leur séjour. Ils se sentaient beaucoup plus proches de la nature tropicale qu’ils partageaient avec les sucriers, colibris et grenouilles au milieu de bougainvilliers, roses de porcelaine ou autres anthuriums. Ils y trouvaient une sécurité et une sérénité bien plus assurées que celles que leur auraient offertes les ruelles de la ville, à la réputation nocturne parfois inquiétante.

Le choix de vivre dans le bourg et de se contenter d’une aire de déplacement réduite avait amené certains des tamalous, pour se maintenir en forme, à se joindre chaque vendredi à Charles lors de son pèlerinage vers le Morne à l’Âne. Le rendez-vous était habituellement fixé le matin à huit heures sur le perron de l’église de Sainte-Anne, heure à laquelle la procession s’ébranlait dans la direction de Pointe-à-Pitre. Elle longeait ensuite le village artisanal, puis le cimetière communal avant d'emprunter un interminable chemin de terre qui, au terme d’une marche éprouvante, aboutissait au pied du Morne à l’Âne. Là, le lolo « chez Papa Morne » conseillait sagement aux pèlerins de se désaltérer avant et après l’ascension. Certains de nos tamalous poussaient alors la prudence jusqu’à renoncer à l’escalade et à continuer de s’abreuver patiemment pendant la montée... des autres. Il faut dire que le punch de Papa Morne, qui proposait un mélange d’épices dont lui seul avait le secret, était particulièrement savoureux.

Arrivés au sommet, les courageux avaient immuablement droit à une tirade de leur gourou qui leur vantait la chance qu’ils avaient de l’avoir suivi, puisqu’il leur offrait par ce périple l’assurance d’une bonne santé physique. Il leur rappelait aussi combien ils lui devaient de conserver un excellent moral grâce aux apéritifs de plage qu’il organisait spécialement pour eux.

Une fois les grimpeurs ainsi ré-endoctrinés redescendus et désaltérés, la compagnie repartait vers Sainte-Anne avec d’autant plus d’allant que les boissons avaient été généreuses.

L’après-midi qui s’ensuivait sur la Grande-Plage était toujours plus calme que le reste de la semaine, les marcheurs de l’aube ayant besoin de récupérer de la fatigue de l’excursion et des brumes éventuelles rapportées de chez Papa Morne. Quant aux tamalous qui n’avaient pas la chance d’appartenir à la troupe du roi Charles et n’avaient donc pas participé au voyage, ils en profitaient régulièrement pour rappeler qu’on était vendredi, jour où, compte tenu de son illustre visiteur du matin, le Morne à l’Âne méritait particulièrement bien son nom.

(pages 52-54)

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